Mise en responsabilité de l’Etat en cas de refus de concours de la force publique
Suite aux nombreuses démarches et procédures engagées par le propriétaire d’un logement pour expulser le locataire défaillant, une décision de justice allant dans le sens de la demande du propriétaire a été rendue.
Malheureusement, le locataire continue d’occuper le logement, malgré le commandement de quitter les lieux délivré par l’huissier.
Dans ce cas, le propriétaire peut faire appel au Préfet pour que les forces de l’ordre interviennent et obligent le locataire à quitter les lieux.
Un délai de deux mois pour répondre à la demande du propriétaire
La demande d’intervention des forces de l’ordre doit être déposée par un huissier.
Le Préfet a alors un délai de deux mois pour y répondre.
Malheureusement, il arrive que le Préfet refuse de faire intervenir les forces de l’ordre. On parle alors de refus explicite.
Il est également possible qu’il ne réponde pas dans les délais impartis. Il s’agit alors d’un refus implicite.
Dans tous les cas, le propriétaire n’a d’autre recours que d’engager la responsabilité de l’Etat.
En effet, l’article 16 de la loi du 9 juillet 1991 stipule que : « L’Etat est tenu de prêter son concours à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l’Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation ».
Les recours possibles pour le propriétaire contre l’Etat
Obliger le Préfet à faire intervenir les forces de l’ordre
Le propriétaire pourra, dans un premier temps, engager un recours gracieux dans les deux mois qui suivent le refus, qu’il soit implicite ou explicite.
Toutefois, au vu de la longueur des procédures amiables administratives, il est conseillé d’engager directement un recours contentieux devant le Tribunal administratif compétent (celui du lieu du logement concerné).
Il est important, dans les deux cas, que le propriétaire démontre que l’expulsion ne risque pas de porter atteinte à l’ordre public.
Le Tribunal, s’il estime que le recours est fondé, ordonnera alors au Préfet de faire intervenir les forces de l’ordre pour expulser le locataire.
Parallèlement, il est également conseillé au propriétaire d’engager une procédure en référé-liberté.
En effet, l’article L. 152-2 du code de justice administrative prévoit ce recours.
Le propriétaire devra démontrer l’urgence ainsi que l’atteinte grave et illégale à l’une de ses libertés fondamentales. En l’occurrence, il s’agit ici du droit de propriété.
La juridiction saisie instruira le demande dans un délai de 48 heures.
Il est important de noter que le délai de deux mois imposé au Préfet pour répondre à une demande d’intervention des forces de l’ordre ne court pas pendant la trêve hivernale, lorsque cette dernière est prévue par la loi.
Cela signifie que, si la notification de l’huissier est déposée moins de deux mois avant le 1er novembre, le délai de deux mois ne reprendra qu’à partir du 1er avril suivant.
Demander réparation à l’Etat
Si le Préfet a refusé de faire intervenir les forces de l’ordre, le propriétaire pourra également demander une indemnisation au Préfet.
Pour cela, il devra en premier lieu s’adresser à ce dernier, via un formulaire prévu à cet effet.
Il conviendra de déterminer le montant de cette indemnisation qui peut être composée :
- des loyers et charges locatives non payées depuis le jour de la demande d’intervention,
- les taxes récupérables sur le locataire, comme la taxe d’ordures ménagères,
- des dommages et intérêts correspondants, par exemple, aux frais de procédure engagés dans la cadre du recours administratif.
Il arrive aussi que la perte de la valeur vénale fasse l’objet d’une indemnisation.
Il faut donc que les préjudices pour lesquels le propriétaire demande une indemnisation soient directs et certains.
Le Préfet dispose d’un délai de deux mois pour répondre.
En cas de refus explicite ou implicite dans le délai de deux mois, le propriétaire pourra alors saisir le Tribunal administratif compétent, pour obtenir cette indemnisation.
Cette saisine devra intervenir dans un délai de deux mois suivant le refus du Préfet.
Le Tribunal saisi pourra condamner l’Etat à indemniser le propriétaire si les sommes réclamées sont justifiées.
Il est important de noter que les créances ouvertes à l’égard de l’Etat sont prescrites au bout de quatre ans, à compter du 1er janvier qui suit la naissance de la créance.
Cela signifie que si la créance naît, par exemple, le 31 juillet 2020, le propriétaire aura jusqu’au 31 décembre 2024 pour obtenir le paiement de cette dernière.
Toutefois, ce délai peut être suspendu par une réclamation que le propriétaire enverra en courrier recommandé avec accusé de réception au Préfet.
En cas de refus de la part du Préfet de faire intervenir les forces de l’ordre ou bien d’indemniser le propriétaire, engager la responsabilité de l’Etat devient le dernier recours qui permettra non seulement au propriétaire de récupérer son bien, mais également de recevoir une indemnisation destinée à couvrir une partie des sommes engagées dans le cadre de la procédure d’expulsion d’un locataire défaillant.