L’expulsion des locataires en période de confinement
La crise du covid-19 a frappé de plein fouet l’économie française dans certains secteurs plus que dans d’autres. Les difficultés déjà existantes de certains ménages face au paiement de leurs loyers se sont aggravées.
Les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ont directement impacté le secteur immobilier. Les voies d’exécution forcée pour retard de paiement ont été gelées. Le dispositif légal prévoyait déjà que pendant une période de 5 mois (novembre jusqu’à mars compris), aucune expulsion de locataire pour manquement à son obligation de payer les loyers, n’est exécutable.
Pour faire face à l’état d’urgence sanitaire due au covid-19, différentes mesures dont celles concernant l’expulsion des locataires ont touché le secteur de l’immobilier. En effet, dans un cadre tout à fait général, l’article 11 de la loi 2020-290 du 23 mars 2020 autorise le gouvernement à prendre des mesures en raison de la crise sanitaire.
La période de suspension s’est allongée et le fait que lors du premier confinement, les cours et tribunaux ne fonctionnaient pas a entraîné aussi des nombreux retards puisque même la préparation et la signification de différents actes étaient impossibles.
Procédure de l’expulsion en bref
Dans la mesure où la procédure à l’amiable s’est révélée infructueuse, le bailleur peut envoyer une mise en demeure avec demande d’accusé de réception. Le commandement de payer est l’étape suivante et l’huissier s’adressera ensuite à la préfecture pour qu’elle juge des conditions sociales du locataire. Le juge convoque alors les parties et si le locataire ne se présente pas, l’ordonnance d’expulsion sera remise en mains propres à celui-ci. La décision d’expulsion est signifiée par la préfecture et si le locataire n’obtempère pas, le bailleur peut recourir aux forces de l’ordre.
La présence d’un avocat dans un contentieux locatif de cet ordre est primordiale. C’est lui qui va élaborer une stratégie efficace avec le bailleur pour qu’il puisse récupérer à la fois les lieux et les loyers impayés. L’avocat entrera en contact avec l’huissier pour les différents actes comme l’assignation qu’il rédigera. La procédure d’expulsion est longue et les conseils d’un avocat sont indispensables. De même, lors de la plaidoirie, celui-ci mettra en valeur les différents arguments qu’il a étudiés en vue du procès.
Suspension des loyers
Contrairement à ce que beaucoup de locataires ont cru, le paiement des loyers par des particuliers n’a pas été suspendu. L’ordonnance 2020-317 du 25 mars 2020 prévoit la suspension uniquement pour les personnes physiques et morales dont l’activité économique serait directement impactée par le covid-19 et par les mesures sanitaires qui empêchent la propagation du virus. La mesure cesse d’être en vigueur deux mois après que l’activité visée ait cessé d’être impactée par l’état d’urgence.
Suspension de l’exécution des mesures d’expulsion
Dans le cas de l’expulsion du locataire, le gouvernement a reconduit en raison de la pandémie, le moratoire qui existait déjà en raison de la trêve hivernale (du 1er novembre au 31 mars) dans un premier temps jusqu’au 31 mai 2020 (ordonnance 2020-331 du 25 mars 2020) et ensuite, jusqu’au 10 juillet 2020. Le second confinement du 30 octobre 2020 a débuté presque simultanément avec la trêve hivernale qui commençait deux jours plus tard.
Cette deuxième vague n’a pas apporté de changements sensibles par rapport au premier confinement si ce n’est que les tribunaux et huissiers de justice restent accessibles. Les déplacements pour aller dans un service public ou d’une manière générale, chez un professionnel de la loi sont tolérés sous certaines conditions, si la prestation ne peut être effectuée à distance. La conséquence immédiate de ce fait est que la procédure d’expulsion en cas de non-paiement des loyers peut être entamée même si elle ne sera exécutable qu’après la fin de la trêve hivernale. Les différents documents peuvent déjà être rédigés en vue de la signification d’une injonction de payer. La procédure dématérialisée devient pratique courante pour celle-ci. Le bailleur est donc en mesure de faire délivrer l’ordre de paiement des loyers au locataire. Celui-ci contient une clause résolutoire qui à la fin de la trêve hivernale et du confinement, entraînera l’expulsion du locataire.
Exceptions à la suspension de l’expulsion
Dans les cas où la sécurité des personnes habitant dans l’immeuble n’est plus assurée (cas d’insalubrité par exemple), l’expulsion peut être exécutée. Une autre exception est le cas où une solution de relogement est proposée aux locataires. Et enfin, les squatteurs qui occupent illégalement une résidence principale ou secondaire ou encore un terrain, pourront être expulsés mais seulement après une décision en justice.
Aspects collatéraux de la suspension des mesures d’expulsion
L’ordonnance 2020-316 du 25 mars 2020 empêche de contourner l’interdiction par un jeu de clauses pénales ou encore une demande d’indemnités liées au retard dans le paiement des loyers. Elles sont considérées comme nulles et non avenues. De même, il est interdit au bailleur de mettre en place des cautions ou garanties qui auront pour effet de neutraliser la suspension de l’expulsion. L’objectif du gouvernement est d’éviter aux personnes déjà fragilisées par la crise du covid-19 de se retrouver à la rue dans le contexte actuel.
Cas particuliers des bailleurs sociaux de la ville de Paris
Ceux-ci ont pris la décision d’allonger encore la période de « trêve hivernale » jusqu’au mois d’octobre. Cela conduit en fait à une année sans expulsion dans le cadre des logements sociaux mais cela reste un cas à part.
L’impact du confinement sur la trêve hivernale est double. D’une part, on voit un allongement de cette dernière mais plus grave, une augmentation du surendettement qui frappe de plein fouet les loyers. On risque fort de se retrouver avec un nombre de non-paiement des loyers « hors contrôle » qui nécessitera une prise en charge par les professionnels du droit que sont les avocats.
Toutefois, le non-paiement devait avoir commencé pendant la période de confinement.
De plus, les entreprises avaient la possibilité de faire jouer la force majeure prévue par l’article 1218 du code civil : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. »
Les mesures de confinement étant imprévisibles et irrésistibles, la force majeure était donc bien réelle.
L’obligation pour les entreprises de payer leur loyer pouvait être suspendue, sans possibilité pour le bailleur d’obtenir la résolution du bail.
La crise sanitaire liée à la Covid-19 a donc eu des conséquences financières importantes aussi bien pour les locataires que les propriétaires.
Depuis la fin du confinement, les mesures d’expulsion peuvent être reprises, du moins jusqu’au 31 octobre 2020. Passé cette date, les propriétaires devront à nouveau attendre le 31 mars 2021 pour mettre en œuvre l’expulsion forcée des locataires défaillants.